L’épopée de Lars & Aatos


29 mai 2142

Au réveil du quatrième jour de sa nouvelle vie, Aatos était un garçon changé. Alors qu’il était encore dans son lit, il serrait fort la gemme d’amour, amor, que son oncle lui avait donné la veille. C’était le dernier souvenir tangible de sa mère. Après quoi, il s’habilla et descendit prendre le petit-déjeuner. Il avala la désormais habituelle pâte infâme avec vigueur. Son oncle semblait remarquer le changement à son air étonné, mais il n’en fit pas mention.

— Aujourd’hui, nous avons un entraînement spécial en vue de notre quête, entonna Lars.

À cette annonce, les pupilles de Aatos se dilatèrent et laissèrent apparaître une brillante lueur de réjouissance au fond de ses yeux.

— Quand est-ce que nous partons ? demanda-t-il avec impatience.

— Pas de précipitation ! Tu n’es pas encore prêt. C’est une aventure exigeante. Récupérer des gemmes demande de l’adresse, parfois de la force et de l’intelligence, mais avant tout, de la persévérance, du travail et des efforts.

— Oui, mais je me sens prêt, protesta le jeune homme.

— Nous verrons cela tout à l’heure. Rétorqua son oncle, décidé à lui prouver le contraire par la pratique.

Le duo se rendit comme les jours précédents au terrain en contrebas. Les exercices de base, répétitions des premiers jours d’entraînement, furent effectués avec entrain par Aatos. Il fit preuve de beaucoup de volonté sur tous les exercices, sans exception.

En fin de matinée, l’entraînement spécial de la journée débuta. Au programme, une paroi de plusieurs dizaines de mètres à escalader. Arrivé au pied du lieu d’entraînement, le jeune garçon s’empressa de grimper les premiers mètres sans assurance. Son oncle le sermonna.

— Aatos, c’est un exercice sérieux qui, non seulement, t’entraîne à avancer dans notre quête, mais qui demande également beaucoup de concentration. Tu en auras besoin pour utiliser tes gemmes, cria Lars.

Aatos se tourna pour écouter son oncle. Au même moment, il décrocha de la paroi et tomba de deux mètres. Il ne s’était rien cassé, mais il fut quitte d’une bonne frayeur. Cette petite chute fut également un rappel douloureux des blessures des entraînements précédents. En effet, son bras avait maintenant un hématome bleuâtre. Il lui faisait mal à chaque fois qu’il le sollicitait. Suite à cela, Lars n’eut pas besoin de parler pour se faire comprendre. Son regard explicite suscita l’obéissance chez son neveu.

— C’est bon, j’ai compris, je vais faire attention, dit Aatos en se relevant.

L’oncle prit le cordage caché dans une petite cavité. Il s’empara aussi d’une poudre à base de carbonate de magnésium qui faisait office de magnésie. Ensuite de quoi, il équipa Aatos et fit de même pour lui.

— Ça me rappelle mon long périple pour venir s’établir dans le cratère …

— Tu es venu comment ?

— Ce n’est pas le moment de t’expliquer ça, nous sommes en plein entrainement là …

Mais pourquoi il me dit ça alors ? … Ces réminiscences déclenchèrent de légers tremblements au niveau des jambes de l’oncle. Une fois les instructions terminées, Lars donna un objectif à trente mètres, sur une paroi de difficulté facile avec un passage technique à sept mètres. Aatos, très concentré, monta et descendit avec beaucoup d’aisance, le passage technique ayant été une promenade de plaisir. Son oncle fut impressionné si bien qu’il augmenta le niveau pour la deuxième paroi. À nouveau, son neveu lui semblait avoir compris l’enjeu et fut étonné de sa réaction positive. Je ne sais peut-être pas encore qui je suis exactement, mais je sais que je serai quelqu’un ! … Et je retrouverai mes parents ! La discussion du soir précédent agissait en véritable exhausteur de motivation. L’évolution rapide de Aatos sur la troisième paroi, considérée comme difficile, en était la confirmation.

— J’ai mal à mon avant-bras, se plaignit avec difficulté le jeune homme en redescendant.

La douleur était trop intense pour qu’il se sente en état de continuer. Jusque-là il avait grimpé en serrant les dents, ne voulant pas montrer sa faiblesse à son oncle. Je dois reconnaitre mes faiblesses si je veux évoluer, Lars le comprendra …

— Faisons une pause dans cet arbre. Ses fruits seront notre repas.

L’oncle désignait un majestueux châtaignier commun. En montant le long du flanc de l’arbre, l’horizon du cirque rocheux apparaissait. Une vaste forêt s’étendait derrière la cabane de l’oncle jusqu’aux parois du fond. Une sorte de cratère avec un accès direct à la mère sur quelques mètres leur faisait face. La rivière Ovest puisait sa source d’une cascade partant d’un des versants. Elle sillonnait ensuite l’intérieur du cirque, le découpant en deux parts. La plus petite partie où se trouvait le chêne centenaire dans lequel Aatos s’était réveillé, était, quant à elle, couverte d’une vaste et luxuriante prairie. Voilà une vue d’ensemble intéressante. Je n’aurais jamais pensé que nous étions enfermés dans un cratère !

— Dans trois jours, nous chasserons dans cette forêt.

L’oncle pointa du doigt la vaste étendue d’arbres. Les deux hommes avaient trouvé appuis sur une solide branche. Lars saisit de sa sacoche deux fruits rougis par le soleil. Il en donna un à son neveu qui le dévora. Lars fit de même. L’air printanier était chaud et agréable. Les oiseaux volaient moins qu’à leur habitude. Ce détail ne parut par retenir l’attention de Lars. L’oncle était pensif et reconnaissant :

— Haaaa B*****, si ma sœur n’avait pas évoqué dans ses écrits ta végionégisation dans ce lieu unique, je ne serais jamais venu ici, murmura Lars.

— Quoi ?

— Non rien …

Aatos profita des rêveries de son oncle pour observer chaque partie de ce nouveau paysage. Lorsqu’ils redescendirent du châtaignier, Lars fit une déclaration :

— Dans quelques jours, ce paysage sera derrière nous.

L’entrainement de l’après-midi se déroula dans la discipline et le respect. Au retour, l’oncle prit la main de son neveu pour la première fois. Ils marchèrent tous les deux en direction de la cabane. Aatos tentait toujours de reconstituer son passé, mais sa mémoire était encore trop défaillante.

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