11 juin 2142

Aatos se réveilla avec un mal de tête puissant. Les tempes dans un étau, sa bouche et sa gorge étaient sèches. En se soulevant pour se mettre à l’équerre, il crut s’évanouir à nouveau. Le souffle court, des sueurs froides : il était dans un sale état. Argh … Mais … que m’arrive-t-il … ? Le garçon se tourna vers la descente de lit et posa les deux pieds au sol. À nouveau ancré, tout lui parut moins tourner. Il n’empêchait que son enclume de tête avait de la peine à tenir au bout de son corps. Lars et Wali étaient dehors, car personne ne se trouvait dans la cabane. Aatos décida de sortir. Lorsqu’il fut hors de l’abri, son oncle était assis sur une des souches. Lars se retourna.

— Eh bien, te voilà, constata-t-il avec malice.

Wali sauta sur le garçon et lui lécha le cou en guise de salutations.

— Doucement Wali, doucement, protesta Aatos en riant.

— Tu as dormi vingt heures, j’ai cru que tu ne te réveillerais plus, dit Lars, en rigolant.

Le soleil chauffait la roche et Aatos avait soif.

— Je vais boire un peu d’eau et me mettre à l’ombre. Ma tête me fait mal, se plaignit le jeune homme en frottant sa tempe droite avec l’index et le majeur.

Ses yeux en forme de demi-lune avaient de la peine à assimiler l’éclat du jour. Il rentra et fut rejoint un instant plus tard.

— Tu as été royal hier, dit l’oncle d’un ton de fierté. C’est tout à fait normal de te sentir aussi mal. Rappelle-toi après le combat avec l’entité de la forêt, le lendemain fût difficile et les jours qui suivirent également.

Aatos acquiesça et se coucha. Lars prépara de quoi manger pendant ce temps-là. Des Sphero à base de céréales, de graisses animales et de graines récupérées – le tout très bien conservé dans le garde-manger de l’ermite – faisaient office de base à sa recette du jour. Il ajouta une confiture de baies, prise de sa cabane, afin d’adoucir son mets. En quelques minutes, il avait terminé la confection et les mit cuire au feu de bois. C’était un bon exemple de Sphero qui tenait au ventre : une façon optimale de récupérer après l’utilisation intensive des gemmes. Lars connaissait trop bien cet état. Aatos avait déjà sombré dans un sommeil profond lorsque son oncle eut terminé.

— Réveille-toi ! Tu manges et tu te recouches, ordonna l’oncle.

Il savait que dans cette phase, le plus dur était de trouver la motivation de récupérer et de s’en sortir. Lorsque Lars était plus jeune, un groupe d’amis peu fréquentables rencontraient de façon régulière ce problème. Mais cet état était dû aux soirées festives et non à l’utilisation de gemmes qui n’étaient, de toute façon, pas d’actualité à cette époque. Lars avait vu cette équipe se morceler petit à petit. Aucun d’entre eux ne prenait au sérieux les lendemains de récupération et leurs effets désastreux sur le corps. Ensuite, l’oncle avait observé le même comportement au sein de son groupe de chasseurs naturalistes. Après une chasse mouvementée, trop peu se préoccupaient de bien récupérer. Leurs organismes encaissaient mal le choc de l’utilisation intensive des gemmes. Lars perdit ainsi de nombreux camarades au cours des différentes chasses ; trop faibles, sans récupération correcte, ils étaient tombés dans des pièges sans grande difficulté. Cela était de toute manière de l’histoire ancienne. Ses amis de soirée n’existaient plus dans ce monde depuis 2042. Ils avaient tous été virtualisés dans la DEM. Quant au groupe de chasseurs naturalistes, il fut dissout par le gouvernement en 2084.

Aatos s’était levé avec peine. Il garda le silence au vu de son état nauséeux. Aatos avala avec peine ses Sphero très grasses. Il sentit tout de même qu’elles lui faisaient du bien. Je dois me forcer, mon corps n’a plus de ressources … Pour les avaler, Aatos prit de grandes rasades d’eau fraîche. Il se recoucha à peine après avoir mastiqué et ingéré la dernière bouchée.

— Nous repartirons demain, tu dois récupérer. Ton corps n’est pas habitué à être autant sollicité par les gemmes. L’utilisation de la Rocca nous a permis de réaliser un exploit. Tu étais à ton maximum. Sans mentionner que tu commences à maitriser la plongée dans l’inconscient à l’aide de Somnium. Sans ça, nous étions foutus. C’est ce qui a fait défaut à notre ami l’ermite.

Aatos acquiesça avant de se rendormir, le ventre plein.

Le soleil arrivait à son zénith. Pendant ce temps-là, l’oncle rangea la cuisine et fit une sieste. Wali ne bougea pas de son coin. Lars utilisa ensuite le reste de l’après-midi à étudier un phénomène qu’il n’avait jamais observé depuis le cirque rocheux. Les oiseaux ne volaient plus. C’était comme s’ils avaient disparu.