L’épopée de Lars & Aatos

Chapitre 32

16 juin 2142

Le lendemain, tard dans la matinée, Lars émergea. Une belle journée sans nuages avait débuté. Aatos avait préparé la boisson chaude préférée de son oncle sur les braises du feu de la veille. Sale nuit agitéeQuelle crise et quels cris ! Est-ce que je dois lui demander s’il se souvient avoir crié le prénom de Liv à plusieurs reprises ? Serait-elle venue lui rendre visite en rêve cette nuit ? Ou c’était un cauchemar ? Les gemmes font vraiment mal au corps… Et mes rêves ? Ces images de drones, de corps, de morts … Est-ce que c’était le résultat des confrontations et du passage dans la grotte ? J’ai l’impression que c’était réel… En se dirigeant vers son neveu, Lars se grattait l’arrière de la tête de façon à remettre sa chevelure échevelée par la longue nuit de sommeil. Il paraissait se mouvoir avec difficulté.

— Salut Lars !

— Salut …

Lars attrapa la boisson. Dans une atmosphère silencieuse, chacun dégustait son petit-déjeuner. La victoire du jour précédent était déjà derrière eux ; aucune célébration spécifique n’avait été organisée.

— Dis Lars, pourquoi nous n’avons pas une danse de la victoire ?

— Une danse de la victoire ? C’est quoi ces c******** encore ?

— Bas oui, tu sais. Comme hier on a gagné contre l’entité de vent, on a rien fait.

— … Je me suis évanoui, je te rappelle. Tu t’es tapé la tête en dormant, ou quoi ?

— Oui, mais si on est en forme, ou après, on pourrait faire un truc du genre.

Aatos se leva. Puis il commença à balancer les bras dans un sens et les fesses de l’autre en alternance.

— Où est-ce que tu as appris cette danse ridicule ?

— Bas je sais pas moi, c’est juste une idée que j’ai eue là …

Ils levèrent le camp lorsque le soleil était à son zénith. Une légère brise soufflait sur ce plateau désertique. L’altitude conjointe au vent enlevait toute sensation de forte chaleur. Lars insista pour que son neveu porte une sorte de chapeau ; les rayons du soleil étaient leur ennemi principal sur cette partie du tracé. Un mirage surnageait en continu au loin. Les pierres sèches alternaient avec le sable. Quelques touffes d’herbes parsemaient le sol. L’atmosphère désertique était lourde. Les trois comparses marchaient sans bruit. Des oiseaux passaient parfois au-dessus d’eux, à une altitude élevée. Des volutes de soufre essaimaient l’air des kilomètres à la ronde. À plusieurs dizaines de kilomètres, Aatos devinait le lac des sources dont lui avaient parlé son oncle. C’était le point de départ des deux rivières ; Ovest et Latoest. Le lac s’était formé à cet endroit, car, en réalité, le plateau était une sorte de cuvette. L’étendue d’eau avait été formée par les rares pluies violentes provenant des nuages formés au-dessus de la mer Tyrrhénienne. Le volcan piégeait l’avancée de cumulonimbus. Cela créait un microclimat dont les pluies torrentielles éparses avaient formé ce lac de montagne.

Après de longues heures à marcher dans la chaleur de juin, le soleil entama sa descente. Malgré la fatigue visible de l’oncle, les trois comparses avaient parcouru près de quarante kilomètres. Il était à deux kilomètres du pied du volcan. L’odeur de plus en plus présente du soufre piquait le nez d’Aatos. Il mit un voile devant sa bouche et son nez pour se protéger de cette odeur d’œufs pourris. L’atmosphère était aussi plus humide. Lorsqu’un début de crépuscule apparut. Lars décida de poser le campement au pied d’un des seuls arbres dont ils avaient croisé la route, un bouleau d’une taille honorable de trois mètres qui était planté au milieu du néant de la plaine. Ses deux condisciples avaient été balayés par une tempête.

— Du bois, une vue dégagée, un soleil qui se couche, nous ne trouverons pas meilleur endroit pour dormir aujourd’hui, déclara l’oncle en posant son lourd sac au sol.

Ils déployèrent la toile et la tendirent entre le bouleau et le sol. Pendant que Aatos rassemblait le bois mort pour démarrer le feu, l’oncle préparait le foyer et un petit apéritif à base de graines pour oiseaux. Il sortit aussi de son sac une fiole d’une contenance de cinq décilitres que son neveu n’avait jamais vue. C’était de l’alcool de vie aux prunes. Aatos démarra le feu et posa les Sphero, à base de poireaux et de poissons, proche des flammes. Son oncle se servit d’un verre d’alcool et laissa son neveu goûter.

— Kof Kof … Beurk ! C’est pas bon, fit Aatos en faisait une grimace, l’œsophage en feu.

Lars sourit pour la première fois de la journée. Ils avaient trois jours d’avance sur ce qu’il avait prévu.

— Cadeau de ce bon vieil Édouard, dit Lars en rigolant.

— Je … Je vois quelque chose de bizarre, dit Aatos comme seule réponse à la déclaration de son oncle.

Il montrait la direction du volcan avec un doigt tremblant. Oh non, c’est pas possible … Aatos n’avait pas la force de se battre et, hormis sa nouvelle gemme de vent, ventus, reçue de son oncle après sa victoire, ses autres gemmes n’étaient toujours pas rechargées.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda l’oncle en se tournant dans la direction montrée par son neveu. Oh, joli ! Cela faisait des années que je n’en avais pas vu, s’exclama-t-il.

Le volcan était enveloppé d’un spectre arc-en-ciel et son ombre était agrandie de manière considérable.

— On appelle cela un spectre de Bocken du nom d’une montagne de l’ancienne Allemagne. C’est un phénomène qui apparaît lorsque les rayons du soleil passent au travers d’une nappe de brouillard en direction de l’objet.

Le volcan avait des airs divins ainsi coiffé de sa gloire.

— C’est magnifique, conclut l’oncle d’un ton joyeux.

Ouf, ce n’est pas encore une … un de ces humains qui a abusé de ses pouvoirs… Lars sortit de son sac son petit radar à gemme.

— Lors du chemin inverse, j’avais perdu ma gemme Carpentura. J’ai peu de chance de la retrouver, mais essayons tout de même.

Un point clignota lorsqu’il activa l’appareil. Dans un premier temps, Lars crut à un problème puisqu’il tapait le radar contre son autre main, comme pour lui sommer de fonctionner mieux. Mais le radar était clair.

— Une puissante gemme se trouve dans le volcan !

La nuit s’annonçait froide.

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